Protéger
l’intégrité de la nature
Suspendre la dissémination d’espèces sauvages génétiquement modifiées
Le 15 octobre 2025, le Congrès de l’UICN a voté la motion 133 appelant à un « report préventif de la dissémination d’organismes sauvages génétiquement modifiés dans les écosystèmes naturels ». La motion a été rejetée à une seule voix près.
Nous remercions tous les membres qui ont soutenu cet important appel à la prudence.
Une nouvelle vague de manipulation génétique de la nature
À travers le monde, la biodiversité s’effondre à un rythme sans précédent dans l’histoire de l’humanité, et le taux d’extinction des espèces s’accélère. Cette perte est une conséquence directe de l’activité humaine. Nous érodons les fondements mêmes de la vie sur Terre, y compris l’existence même de l’humanité.
En parallèle, de plus en plus de propositions émergent pour manipuler génétiquement la nature même – non seulement les cultures et le bétail, qui sont issus de la domestication, mais aussi des espèces sauvages au sein d’écosystèmes complexes.
Ces propositions vont de l’éradication de populations de moustiques et d’espèces dites invasives (telles que les souris, lapins ou escargots) à la modification d’animaux menacés pour les rendre résistants à certaines maladies, ou encore à la « résurrection » d’espèces disparues (comme le mammouth ou le loup sinistre).
La plupart de ces applications restent spéculatives. Jusqu’à présent, aucune n’a démontré de succès probant. Les risques, en revanche, sont clairs.
Risques liés à la modification génétique de la nature
- Impacts écologiques irréversibles – Une fois libérés, les organismes génétiquement modifiés ne peuvent pas être rappelés. Il n’existe pas de « bouton d’arrêt ». Leurs interactions avec d’autres espèces sont imprévisibles et pourraient endommager de façon permanente des écosystèmes déjà fragiles.
- Incertitude scientifique – Nous en savons encore bien trop peu sur la manière dont les espèces sauvages interagissent dans la nature pour prétendre les « reprogrammer » en toute confiance. La suppression ou la modification d’une espèce peut avoir des effets en cascade impossibles à anticiper.
- Réglementation inadéquate – Les cadres actuels de biosécurité ont été conçus pour des espèces domestiquées dans des contextes agricoles. Ils sont inadéquats et insuffisants pour gérer les implications écologiques, éthiques et transfrontalières de la modification génétique de la nature. Il n’existe aucun mécanisme efficace de responsabilité et de réparation au niveau international.
- Violation des droits des Peuples autochtones et des Communautés locales (PACL) – La modification génétique de la nature risque de marginaliser les visions du monde et les pratiques de conservation ancestrales des Peuples autochtones et des Communautés locales, sapant ainsi leur souveraineté et leur rôle de gardiens écologiques. Elle pourrait perturber les relations profondes que ces communautés entretiennent avec leurs êtres sacrés, leurs proches et leurs espèces culturellement importantes.
Un changement de paradigme dans la conservation de la nature
L’utilisation de la modification génétique en conservation marquerait une rupture profonde avec les principes établis. Plutôt que de protéger la nature pour sa valeur intrinsèque, la conservation pourrait basculer vers un remodelage de la nature afin de l’adapter aux préférences humaines.
Souvent présenté comme un simple « outil parmi d’autres », le recours à la modification génétique dans la conservation de la nature représente en réalité un changement de paradigme dont les implications écologiques et éthiques exigent une réflexion approfondie.
Une voie responsable à suivre
L’innovation responsable exige du recul, de la précaution et un débat public inclusif.
Aucune dissémination intentionnelle d’espèces sauvages génétiquement modifiées – y compris à titre expérimental – ne doit avoir lieu avant que :
- la science ne puisse fournir les réponses nécessaires pour prédire les résultats ;
- des réglementations solides ne soient mises en place pour prévenir les dommages ;
- des garanties ne soient établies afin de respecter, préserver et maintenir les connaissances, les innovations et les pratiques des Peuples autochtones et des Communautés locales (PACL) ; et
- un large consensus sociétal n’ait été atteint sur la question de savoir si – et sous quelles conditions – la frontière entre la protection et la reprogrammation de la nature peut être franchie.
Un moratoire est une stratégie légitime et reconnue au niveau international pour faire face aux technologies comportant des risques environnementaux irréversibles. C’est également un instrument politique bien utilisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) :
2004 : moratoire sur les nouvelles disséminations d’OGM dans l’environnement ;
2012 : moratoire sur la pêche du chinchard du Chili dans les eaux internationales du Pacifique sud ;
2019 : moratoire sur les projets impactant l’orang-outan de Tapanuli, en danger critique d’extinction ;
2021 : moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes.
Le moratoire proposé permettra de gagner du temps pour approfondir les connaissances scientifiques, pour favoriser un débat sociétal large et inclusif, et pour mettre en place des mesures de protection solides avant toute dissémination dans l’environnement. Compte tenu des risques sérieux et étendus liés à la modification génétique de la nature, le moratoire constitue le meilleur moyen de respecter l’engagement de l’UICN en faveur de la valeur intrinsèque de la biodiversité, le Principe de précaution et la reconnaissance des Peuples autochtones et des Communautés locales (PACL).
Soutenez la motion 133 pour un moratoire sur le génie génétique des espèces sauvages dans les écosystèmes naturels
Soutien
Motion 133 – Moratoire sur le génie génétique des espèces sauvages dans les écosystèmes naturels a été proposée par :
Plus de 90 ONG du monde entier soutiennent l'appel en faveur d'un moratoire.
De la Malaisie à la Colombie en passant par le Togo, ces ONG ont signé
AGROLINK Association — Bulgaria
Alianza Biodiversidad — América Latina
Alianza Continental por la Soberanía Alimentaria de los Pueblos LAC — Paraguay
Alliance to Save Hinchinbrook Inc. — New Zealand
Ambiente En Lucha — Argentina
Amigos de la Tierra Argentina — Argentina
Apimondia — International
Asamblea de la Comunidad Costera de Tierra del Fuego, Antártida e Islas del Atlántico Sur — Argentina
Asamblea de los pueblos Indigenas por la Soberania Alimentaria — Mexico
Asamblea Popular por el Agua — Argentina
Asociación Agroecológica Nuevas Raices – AGROECONUR — Colombia
Asociaciòn argentino uruguaya de economìa ecològica — Argentina
Aurelia Stiftung — Germany
BeeLife European Beekeeping Coordination — Europe
Beyond GM — UK
Bolivia Libre de Transgénicos — Bolivia
Canadian Biotechnology Action Network — Canada
Cátedra Libre de fauna silvestre Facultad de Ciencias Veterinarias, Universidad Nacional de Rosario — Argentina
Cátedra Libre de Soberanía Alimentaria Nutrición UBA — Argentina
CEMIAC — México
Centro de Estudios HEÑÓI — Paraguay
Centro de Estudios sobre Tecnologías Apropiadas de Argentina — Argentina
Coalition de Veille sur les Activités Biotechnologiques au Burkina — Burkina Faso
Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain — Côte d’Ivoire
Colectivo agroecologico Las Gurisas — Uruguay
ConCiencia Agroecológica 9 de Julio — Argentina
Conservation Council WA — Australia
Consumers’ Association of Penang — Malaysia
Consumidores Conscientes — Bolivia
Coop. Tierra de Maíz — Nicaragua
Corporate Europe Observatory — Europe
Critical Scientists Switzerland — Switzerland
Deutscher Imkerbund — Germany
Econexus — International
Ecoropa — Europe
Ekō — International
Escuela de educación sindical y popular Raul Eduardo Mahecha — Colombia
ETC Group — International
Ethics in Action working group of the IUCN French Committee — France
European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility (ENSSER) — Europe
FIAN Burkina — Burkina Faso
Friends of the Earth Australia — Australia
Friends of the Earth US — USA
Fundación sentir agroecológica — Colombia
GE Free New Zealand in Food and Environment — New Zealand
GeneEthics — Australia
GM Freeze — UK
GMWatch — UK
GRAIN — Burkina Faso
Green Balkans NGO — Bulgaria
Hands Off Mother Earth Alliance — International
IG Saatgut — Germany
INAFCI — Argentina
Institute for Nature Conservation in Albania — Albania
Jeunes Volontaires pour l’Environnement — Togo
Koala Action Inc. — Australia
La Huerta Feliz – Colectivo SAS — Bolivia
LA PAZ VEGAN — Bolivia
Laicrimpo Salud — Argentina
Marcha Mundial das Mulheres — Brasil
Miljøbevægelsen NOAH — Denmark
MNCI Somos Tierra-CLOC-Via Campesina — Argentina
Movimento pela Saúde dos Povos – Health People’s Movement — Brasil
Movimiento Agroecológico Boliviano — Bolivia
Movimiento Agroecológico de América Latina y el Caribe — México
Movimiento de la Juventud Kuna — Panamá
Movimiento Nacional de Salud LAICRIMPO — Argentina
Mujeres, Cuerpos y Territorios (Mucyt) — Venezuela
Museo del Hambre — Argentina
Observatorio de Conflictos Ambientales – UNAL Colombia — Colombia
OGM dangers — France
Red de Abogadas y Abogados por la Soberanía Alimentaria (REDASA) — América Latina
Red de Agroecología de Nariño — Colombia
Red de Cátedras Libres de Soberanía Alimentaria y Colectivos afines — Argentina
Red de Guardianes de semillas de vida — Colombia
Sahabat Alam Malaysia — Malaysia
Save Our Seeds — Germany
Sena — Colombia
Slow Food — International
Sustainability Council of New Zealand — New Zealand
SWISSAID Colombia — Colombia
Terra! — Italy
Terre à Vie — Burkina Faso
The Bioscience Resource Project — USA
Third World Network — Malaysia
Unal — Mexico
Unión de Científicxs Comprometidxs con la Sociedad y la Naturaleza en América Latina (UCCSNAL) — América Latina
Union Resistente de Estudiantes Fueguinos Centro de estudiantes de la UNTDF — Argentina
Universidad Nacional de Colomboa — Colombia
UNL CONICET — Argentina
Yandeyari — Bolivia
Contexte
Lors du prochain Congrès mondial de la nature, qui se tiendra du 9 au 15 octobre 2025 à Abou Dhabi, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se prononcera sur la motion 133 – Un moratoire sur l’ingénierie génétique des espèces sauvages dans les écosystèmes naturels.
Cette motion a été proposée par des ONG du monde entier afin de préserver l’intégrité de la nature face à la multiplication des propositions visant à modifier génétiquement les espèces sauvages dans les écosystèmes naturels.
La réponse à une technologie en rapide évolution
La motion 133 vise à protéger la nature en appliquant le principe de précaution aux technologies de modification génétique en rapide développement :
« Concrètement, cette motion introduit une plus grande spécificité et une clarté opérationnelle concernant l’application du principe de précaution dans le contexte des technologies de génie génétique en rapide évolution et de leur utilisation potentielle dans les environnements naturels, et répond aux évolutions technologiques rapides qui n’ont pas encore été prises en compte dans les cadres politiques actuels. »
Comité préparatoire du Congrès mondial de la nature agissant en tant qu’organe d’appel pour l’acceptation des motions
Qu’est-ce que le principe de précaution ?
Le principe de précaution est une stratégie de gestion des risques qui préconise une action préventive contre tout dommage potentiel. Conformément à ce principe, si une activité est susceptible de nuire au public ou à l’environnement et qu’il n’existe toujours pas de consensus scientifique sur la question, cette activité ne doit pas être menée.. La Convention sur la diversité biologique stipule dans son Préambule que : « lorsqu’il existe une menace de réduction sensible ou de perte de la diversité biologique, l’absence de certitudes scientifiques totales ne doit pas être invoquée comme raison pour différer les mesures qui permettraient d’en éviter le danger ou d’en atténuer les effets. »
De l’ingénierie génétique à la biologie de synthèse
Les capacités des technologies d’ingénierie génétique se sont radicalement étendues ces dernières années. Les dernières avancées permettent aux chercheurs de créer des organismes et des éléments biologiques qui :
- sont radicalement différents de ceux qui existent dans la nature (« new-to-nature ») ;
- perpétuent des processus d’ingénierie génétique en dehors du laboratoire (« outdoor genetic engineering ») ;
- permettent de modifier ou d’éliminer des populations entières d’espèces sauvages (« forçage génétique » ou « gene drive »).
La convergence des technologies d’ingénierie génétique avec l’intelligence artificielle générative a ouvert la voie à ce que l’on appelle la biologie générative – ou le « biodesign » piloté par machine – par laquelle des modèles d’IA, entraînés avec de grandes quantités de données biologiques et dotés d’une puissance de calcul énorme, génèrent de nouvelles séquences génétiques (ADN/ARN) et protéiques (acides aminés).
Compte tenu du contexte actuel d’un cadre réglementaire fragmenté, des organismes, micro-organismes et éléments génétiques de synthèse pourraient être libérés sans surveillance adéquate, perturbant potentiellement les écosystèmes, nuisant à la santé humaine et compromettant les droits socio-économiques et culturels.
Qu’est-ce que la biologie de synthèse ?
Le terme biologie de synthèse désigne des biotechnologies capables de concevoir, reconfigurer ou de synthétiser des systèmes biologiques – organismes entiers y compris. Il brouille les distinctions entre les anciennes méthodes d’ingénierie génétique et les approches plus récentes telles que l’édition du génome. La Convention sur la diversité biologique la définit comme « un développement ultérieur et une nouvelle dimension de la biotechnologie moderne qui combine la science, la technologie et l’ingénierie pour faciliter et accélérer la compréhension, la conception, la restructuration, la fabrication et/ou la modification de matériel génétique, d’organismes vivants et de systèmes biologiques » (Décision XIII/17)
Réponses de l’UICN à ces développements
L’UICN débat de son approche de la biologie de synthèse – la dernière manifestation de l’ingénierie génétique – depuis plusieurs années.
En 2016, lors du Congrès de l’UICN à Hawaï, les membres ont demandé une évaluation de la biologie de synthèse, ainsi que des recommandations concernant l’approche de l’UICN. Ils ont également réclamé un examen urgent du forçage génétique (« gene drive ») et se sont opposés à toute recherche ou essai sur le terrain tant que tant que cette évaluation n’était pas réalisée (Résolution 086).
Qu’est-ce que le forçage génétique ?
Le forçage génétique artificiel vise à biaiser l’héritage génétique afin qu’un trait modifié, tel que la stérilité ou un déséquilibre du ratio des sexes, se propage rapidement au sein d’une population. Son potentiel à modifier de manière permanente des espèces entières et des écosystèmes soulève d’importantes inquiétudes pour la biodiversité ainsi que pour l’intégrité des cultures, traditions et territoires des Peuples autochtones et des communautés locales (IPLC). Le forçage génétique a été proposé pour éradiquer des rongeurs invasifs sur des îles et pour réduire les populations de moustiques Anopheles gambiae, vecteurs du paludisme. Les premières disséminations dans l’environnement sont prévues avant 2030.
Une évaluation par l’UICN, Frontières génétiques pour la conservation, a été publiée en 2019. Le rapport a été critiqué à la fois par des ONG, dont des organisations membres de l’UICN, et par des scientifiques, qui l’ont jugé insuffisant pour servir de base aux délibérations de l’UICN. De plus, un projet de Principes de l’UICN sur la biologie synthétique et la conservation de la biodiversité a été présenté au Congrès de l’UICN à Marseille, qui a été reporté à 2021. Ces Principes incluaient la possibilité de moratoires :
« Il pourrait y avoir des situations où des moratoires sur la dissémination dans l’environnement de certaines applications de la biologie de synthèse (y compris le forçage génétique artificiel) seraient justifiés. Des directives spécifiques seraient nécessaires concernant les données et autres informations requises pour déterminer si et quand un moratoire pourrait être introduit, comment il serait mis en œuvre et comment un moratoire sur une application particulière pourrait être levé. »
Principes sur la biologie de synthèse et la conservation de la biodiversité, version préliminaire de décembre 2019
En 2021, lors du Congrès de l’UICN à Marseille, les membres n’ont pas adopté les Principes, mais ont appelé à un « processus inclusif et participatif » pour élaborer une politique de l’UICN sur « les conséquences de l’utilisation de la biologie de synthèse dans la conservation de la nature » devant être adoptée lors du prochain Congrès (Résolution 123). Les ONG ont dénoncé le processus de développement de cette politique pour son manque de transparence, pour l’existence de conflits d’intérêt et pour l’implication insuffisante des Peuples autochtones et des Communautés locales (IPLC).
En vue du Congrès de 2025, un projet de politique de l’UICN sur la biologie de synthèse en lien avec la conservation de la nature a été proposé dans le cadre de la motion 087. La politique proposée ne prévoit pas de garanties suffisantes contre les impacts négatifs et irréversibles sur la nature. Elle nécessite des améliorations importantes.
Nous appelons les membres de l’UICN à soutenir un moratoire sur la modification génétique des espèces sauvages afin de protéger la biodiversité et l’intégrité de la conservation de la nature. Une telle pause est essentielle pour :
- approfondir les connaissances scientifiques ;
- permettre un débat public large et inclusif ;
- mettre en place des garanties robustes avant toute intervention irréversible.
Soutenez la motion 133 pour un moratoire sur le génie génétique des espèces sauvages dans les écosystèmes naturels
Q&A
Quelle est la portée du moratoire proposé à l’UICN ?
Le moratoire couvre la dissémination intentionnelle dans l’environnement :
- D’organismes génétiquement modifiés issus d’espèces sauvages — y compris des organismes à forçage génétique conçus pour propager rapidement des caractères modifiés dans des populations sauvages, ou des microbes génétiquement modifiés relâchés dans le sol ou l’eau ;
- D’éléments génétiques nouveaux — c’est-à-dire de séquences d’ADN entièrement nouvelles, qui n’existent pas dans la nature, telles que des promoteurs synthétiques contrôlant l’expression des gènes, ou des voies métaboliques nouvelles permettant la production de substances spécifiques.
Il ne s’applique pas à la recherche en laboratoire, ni aux essais expérimentaux confinés, réalisés dans le respect des normes de biosécurité.
La recherche continue — ce qui permet de surprendre les disséminations dans l’environnement, qui sont risquées, et ce, jusqu’à ce que des mesures de sécurité appropriées soient mises en place.
Pourquoi la motion 087 est-elle insuffisante à elle seule ?
Un manque de précaution : La politique proposée par l’UICN sur la biologie de synthèse regroupe des applications de cette technique aux risques très différents, de l’utilisation de bactéries génétiquement modifiées confinées en laboratoire, au développement de modifications génétiques visant à éliminer entièrement des populations d’espèces dites nuisibles. L’approche uniforme de la motion 087 ne définit aucune ligne rouge ni garantie de sécurité nécessaire pour les applications les plus risquées de la biologie de synthèse, ce qui pourrait causer des dommages irréversibles dans la nature.
Des lacunes réglementaires ignorées : La politique proposée par l’UICN ne répond pas aux lacunes – pourtant bien documentées – de la réglementation sur la biologie de synthèse, et notamment à l’absence de définition d’un cadre international complet (document d’information de l’UICN, 2024) sur le sujet. La motion 087 n’aborde pas le besoin d’un contrôle national et mondial renforcé.
Une présomption erronée d’alignement avec la mission de l’UICN : La motion 087 part du principe que toutes les applications de la biologie de synthèse entrent en adéquation avec la mission de l’UICN, qui est de protéger l’intégrité et la diversité de la nature. Pourtant, la libération dans l’environnement d’espèces sauvages génétiquement modifiées ou d’organismes entièrement créés en laboratoire peut directement entrer en conflit avec cette mission, ainsi qu’avec les engagements de l’UICN en matière d’équité entre les générations et de protection des droits des Peuples autochtones et des Communautés locales (PACL).
Un décalage avec la politique actuelle de l’UICN : La motion 087 s’éloigne de la prudence affichée dans les résolutions antérieures de l’UICN (Résolution 3.007 de 2004 appelant à un moratoire sur les OGM ; Résolution 6.086 de 2016 déconseillant la recherche sur le forçage génétique). Si elle n’adopte pas la motion 133, l’UICN risque de cautionner le développement de nouvelles technologies, avant même de disposer des outils d’évaluation des risques et du consensus social nécessaires pour les utiliser de manière responsable.
Le moratoire n’arrive-t-il pas trop tard, puisque certaines disséminations d’organismes génétiquement modifiés ont déjà eu lieu ?
Effectivement, certains organismes génétiquement modifiés — comme des insectes ou des plantes sauvages — ont déjà été libérés dans plusieurs pays, comme au Brésil, aux États-Unis et en Malaisie.
Toutefois, il n’est pas trop tard pour que l’UICN prenne position. C’est précisément parce que des disséminations de ces organismes ont déjà eu lieu qu’il est encore plus urgent que l’UICN détermine maintenant des lignes rouges claires. La plupart des projets à haut risque sont encore en phase de développement.
La motion 087 approuverait implicitement l’usage de la biologie de synthèse comme outil de conservation des écosystèmes. Au contraire, la motion 133 envoie un signal clair de prudence : le développement de ces technologies ne doit pas être accéléré sans consensus fort dans la société et sans garanties scientifiques solides.
Vous trouverez les réponses à ces questions et à d’autres dans notre page dédiée aux questions-réponses.
Ressources
Voici quelques documents de référence sur la biologie de synthèse en lien avec la conservation de la nature :
Biologie de synthèse
A Bigger Conversation, 2022, Gene Editing and Conservation – the Unknown and the Unknowable.
Convention on Biological Biodiversity, 2024, Report of the multidisciplinary Ad Hoc Technical Expert Group on Synthetic Biology to Support the Process for Broad and Regular Horizon Scanning, Monitoring and Assessment.
GeneWatch UK, 2025, Chimera: The Genetic Modification of Nature, Briefing for the IUCN Congress in October 2025
German Federal Agency for Nature Conservation (BfN), 2022, Genetic engineering, nature conservation and biological diversity. Boundaries of design.
IUCN French Committee, 2024, The future of life. Our values for action.
Redford et al., 2019, Genetic frontiers for conservation: An assessment of synthetic biology and biodiversity conservation.
Save our Seeds, Pollinis, 2024, Synthetic Biology = Genetic Engineering of Wild Species
Forçage génétique
Austrian Environment Agency, 2019, Gene drive organisms. Implications for the environment and nature conservation.
Christophe Boëte, Gene drive: communication, hype, and the publics, Journal of Medical Entomology, Volume 62, Issue 3, May 2025, Pages 745–748
Econexus, Gene Drive Monitor
European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility (ENSSER), 2020, Gene Drives. A report on their science, applications, social aspects, ethics and regulations.
Kristin Hagen, Mathias Otto, Karl Stracke, Margret Engelhard, 2024, Synthetic Biology, genetic engineering in the wild, and biological diversity, EurSafe2024 Proceedings
Save Our Seeds, 2021, Gene Drive Organisms: A new dimension of genetic engineering. Applications, risks and regulation
Save our Seeds, 2020, Gene Drive Film, Youtube video (15 mins)
Sarah Hartley and Tom Law, 2022, Should we create gene drive grey squirrels?, Youtube video (18 mins)
« De-extinction »
IUCN Species Survival Commission Canid Specialist Group Taxonomic Review Task Force. Conservation perspectives on gene editing in wild canids. Commentary on the announced re-creation of a genetic proxy of an extinct dire wolf by Colossal, 18 April 2025
Martin Boer-Cueva, Dieter Hochuli, Marco Salvatori and Peter Banks, ‘‘De-extinction’ of dire wolves promotes false hope: technology can’t undo extinction, The Conversation, 16 April 2025
Arbres génétiquement modifies
Ricarda A. Steinbrecher, EcoNexus, 2024, Genetically Engineered American Chestnut: Discussion of the performance limitations of Darling 58/54.
Canadian Biotechnology Action Network (CBAN), 2022, The Global Status of Genetically Engineered Tree Development: A Growing Threat.
Save Our Seeds, 2025, GMO Promises: GM as “shortcut to creating a truly American blight-resistant chestnut”.
Contact
Rencontrez-nous au Congrès mondial de l’UICN :
Stand d’exposition du Congrès mondial de l’UICN 141, Safeguard Nature – Pause Genetically Engineered Wildlife Releases
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Événement d’exposition – Jeudi 9 octobre 2025, de 15h30 à 16h30, IDEA Campaign & IUCN ENCA
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